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Nos oasis sont menacées de disparition |
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Nos oasis sont dans une situation critique. Le constat est accablant car ces espaces sont tout simplement en voie de disparition du fait de plusieurs agressions dont le changement climatique, la désertification, l’ensablement, la pénurie d’eau, le surpeuplement, la crise de l’agriculture mais également la dégradation de la biodiversité des palmeraies et la perte de terres. Autant de contraintes qui appellent une réponse urgente et appropriée. Regards sur la stratégie nationale d’aménagement et de développement des oasis.
Suite à l’enquête de la direction de l’aménagement du territoire, réalisée entre 2002 et 2004, le diagnostic de l’état des lieux a mis en évidence une mauvaise gestion de la ressource en eau avec une pénurie accentuée par un gâchis organisé, une décomposition des sociétés traditionnelles, un blocage à la recomposition du système, un morcellement des terres et une complexité du statut foncier, un surpeuplement massif et une perfusion des revenus, une agriculture en crise et un étouffement de la base économique. Autant de facteurs accélérant le « mécanisme » de mort lente.
Sur ce, les principales options stratégiques du projet national de sauvegarde et d’aménagement des oasis qui sera mis en œuvre cette année prévoient d’agir sur la gestion de la pénurie de l’eau, réduire la pression démographique, valoriser les ressources humaines, mettre en place progressivement une agriculture paysagère, assurer le relais de l’état dans la gestion des ressources, diversifier les activités économiques et promouvoir l’emploi, reformer les dispositions d’aide et de soutien et requalifier l’habitat et le patrimoine en mettant en valeur l’architecture des oasis.
Un projet national, des actions stratégiques, des priorités d’urgence..
La sauvegarde et la valorisation des oasis se sontimposées comme l’une des priorités majeures du ministère de l’aménagement du territoire, de l’eau et de l’environnement. Un intérêt qui s’est traduit par la mise en place d’une stratégie nationale de développement et d’aménagement des oasis. En effet, cette stratégie qui vise la sauvegarde des oasis du Sud du Maroc, à travers la lutte contre la désertification et la pauvreté, est une nécessité impérieuse, indiquée par l’état de dégradation avancé dans lequel se trouve actuellement ces oasis, de Figuig jusqu’à Guelmim. En effet, comme le souligne la stratégie mise en place par la direction de l’aménagement du territoire, « la plupart des oasis agonisent. Le terme n’est pas exagéré, il représente une réalité qu’il convient d’apprécier et de mesurer avec justesse. Si la situation perdure, la disparition des oasis est annoncée, à plus ou moins long terme selon les espaces considérés ». Le ton est inquiétant, et la situation dans laquelle se trouve actuellement ces oasis l’est davantage. Les facteurs favorisant cette dégradation se sont accumulés durant ces dix dernières années, mais ils trouvent leur origine sur une exploitation fortement irrationnelle avec le cycle de la sécheresse et au fur et à mesure de l’accroissement de la demande en eau d’une population en nette progression.
Ce problème de l’eau est conditionné en amont par des systèmes hydro-agricoles dont la pertinence doit être aujourd’hui remise en question. A cela s’ajoute la faible diversification de l’économie oasienne exclusivement basée sur l’agriculture. En effet, l’agriculture est la principale activité de ces espaces, mais elle est en souffrance, parfois à l’agonie. Le tourisme, qui doit aider les oasis à sortir de leur léthargie économique, demeure, lui embryonnaire, souvent localisé dans des endroits peu prisés.
L’état de dégradation dont souffrent les oasis s’étend pour toucher le patrimoine urbanistique dont ils regorgent. L’enquête réalisée dans le cadre de la mise en place de la stratégie d’aménagement et de développement des oasis parle d’un habitat traditionnel en perdition. « L’état de dégradation et d’abandon constaté au cours de cette enquête est particulièrement affligeant. Un patrimoine est en voie de disparition à cause de la précarité économique de ses occupants et de la difficulté d’entretenir des sources fragiles qui demandent un entretien régulier », souligne l’enquête en question. Bref au rythme actuel, les spécialistes accordent aux oasis une espérance de vie globale de 15 ans, et beaucoup moins dans certains cas. La mise en place de cette stratégie reflète la prise de conscience des responsables au ministère de l’aménagement du territoire de la gravité de la situation mais surtout la volonté politique de mettre un terme à la dégradation progressive d’un élément du patrimoine territorial et naturel du pays.
La stratégie visant à sauvegarder les oasis, qui s’érige en solution de la dernière chance, a un objectif principal : optimiser l’utilisation de la ressource hydrique disponible dans les oasis de Figuig, le Guir, le Ziz-Tafilalet, le Maider Goulmima-Tinjdad, le Draa Supérieur, le Draa Moyen, Foum Zguid-Taznakht, Assa-Tata-Akka, Tafraout-Ighrem et Guelmim. La stratégie proposée se base sur la méthodologie de modélisation, qui permet de poser le problème et de fixer le cadre à l’intérieur duquel devront être trouvées les solutions. Le modèle choisi pour venir à bout de la problématique des oasis a été baptisé modèle « d’optimisation de l’utilisation de la ressource hydraulique imputable » « OURRHI », ce modèle combine les données hydrauliques, économiques à travers l’emploi, et démographiques en précisant les différentes catégories et populations. Il propose une démarche de développement associant un projet touristique ambitieux, une refonte complète du système hydraulique et l’invention d’une nouvelle agriculture, que l’on a appelé l’agriculture paysagère.
Des mesures ambitieuses et de rupture pour l’eau
Vu la situation critique dans laquelle se trouvent les oasis la stratégie d’aménagement et de développement des oasis propose d’opter pour des mesures « ambitieuses », profondes, et d’une manière plus générale, en rupture avec le discours habituel. Dans le domaine de l’eau, la stratégie stipule l’approfondissement des connaissances en matière de ressources hydriques. Ainsi, l’élaboration d’études techniques devant permettre l’actualisation des données chiffrées de cette ressource est fortement conseillée par la stratégie. Il est en effet aujourd’hui primordial de connaître le vrai bilan des nappes et de s’arrêter de près sur l’étendue du phénomène de la salinité dans les oasis. Un livre blanc de l’eau apparaît également comme une étape décisive pour lever le voile sur l’ampleur des problèmes et diagnostiquer les raisons du gaspillage. Outre une meilleure application de la loi 10-95 sur l’eau, notamment dans son volet financier, en faisant payer l’eau et en créant une police de l’eau, la stratégie préconise l’organisation de campagnes de sensibilisation et d’information au profit des exploitants de l’espace oasien. L’objectif est de les inciter à s’investir dans des pratiques efficaces et économes en eau. La modernisation du dispositif hydraulique et les pratiques d’irrigation et la mise en place d’un nouveau système d’exploitation, en plus de la mobilisation de la coopération internationale sont les autres volets de la stratégie dans le domaine de l’eau.
Agriculture et monde rural : combler les déficits
Les éléments proposés par la stratégie de développement rural des espaces oasiens ont pour objectif de corriger les déséquilibres qui affectent cet espace, de modifier les tendances et les évolutions négatives, d’atténuer la paupérisation de la population, la gaspillage des ressources naturelles et l’instabilité sociale. Les actions proposées devraient donc rétablir l’équilibre entre la croissance démographique et les ressources disponibles. Afin donc de préserver ces ressources, la stratégie insiste sur la réduction de la pression démographique dans les oasis. L’idéal serait donc, selon cette stratégie, de trouver le seuil « population-Ressources » qui assurerait l’équilibre et la survie du modèle oasien. Cette réduction de la pression démographique doit se faire, donc, de manière naturelle, par le biais de l’émigration ou par une politique franche de contrôle des naissances ou « de planning familial ». La stratégie met également l’accent, dans ses recommandations, sur la nécessité de mettre en place progressivement une agriculture-paysagère et sur l’intervention de l’Etat dans la gestion des ressources, à travers la création des groupements de développement agricole. La diversification de l’économie et la création d’activités génératrices d’emplois est fortement indiquée. La réalisation de cet objectif passera par la création de nouvelles filières dont le tourisme, l’agro-alimentaire et les services à l’agriculture. La stratégie appelle à la réduction de la pauvreté par le biais d’une meilleure implication des structures associatives principalement dans le domaine de l’eau potable. Enfin, la réhabilitation de la femme dans son rôle d’acteur économique et la réforme des dispositifs d’aide et de soutien sont aussi des éléments sur lequel insiste la stratégie.
Le tourisme, pour rentabiliser le potentiel naturel
Dans le domaine du tourisme, la stratégie d’aménagement et de développement des oasis au Maroc vise, à court terme, à améliorer l’exploitation du produit existant, par son encadrement et sa réorganisation afin de le rendre plus rentable. L’action à court terme sera marquée également par la diversification du produit et des circuits touristiques, en proposant des projets « économiquement viables, écologiquement durables et socialement acceptables ». A moyen terme, l’objectif à scruter sera davantage la mise en valeur progressive de potentialités non encore exploitées. A plus long terme, il faut chercher à rendre autonome le produit touristique oasien, en faisant connaître les destinations et en cherchant à convaincre les opérateurs de les programmer en tant que destination autonome. Bien entendu, cette vision stratégique nécessite des mesures de soutien et d’accompagnement notamment dans le domaine législatif. Elles concernent la promotion de l’investissement et les incitations pour l’acquisition des terrains.
Bien entendu, cette stratégie propose également des initiatives pour la protection de l’environnement ainsi que pour la mise à niveau de l’habitat et le système urbain dans les régions oasiennes. Des initiatives qui visent en général le renforcement des équipements collectifs, des infrastructures et des services publics urbains, mais aussi le renforcement de la base économique des villes. L’ensemble de ces actions seront soutenues par des mesures d’accompagnement qui visent notamment au renforcement des méthodes de gestion, de planification et de décentralisation, la mise en place des institutions d’appui dont un conseil supérieur pour le développement des oasis.
Source : HAFID FASSI FIHRI | L'opinion |
10/06/2007 |
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