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Aïd Al Adha : Races, prix, conseils et... criminalité



Chaque année à l’approche de la date de l’Aid El Kébir une atmosphère spéciale enveloppe le pays, villes est campagnes. Aïd Al Adha est sans aucun doute la plus grande fête musulmane de l’année après le Ramadan. Or, l’on constate que, de plus en plus, cette fête religieuse se transforme en une activité commerciale et lucrative où beaucoup de « sous-activités » fleurissent : petits métiers, commerce d’épice et d’ustensile de cuisine, électroménagers. Sans parler de la principale transaction qui est le mouton de l’Aid.


Aïd El Kebir : Ceux qui gagnent de l’argent et ceux qui en perdent

- Mon mouton à tout prix
Actuellement les valeurs spirituelles de l’Aïd El Kébir comme la solidarité et la cohésion sociale ont laissé la place à la consommation de masse et à la rivalité entre voisins surtout dans les milieux populaires : qui va sacrifier le plus gros mouton ?

Du sacrifice il ne reste que le mouton, ou plutôt une vulgaire marchandise autour de laquelle la spéculation bat son plein, depuis le premier jour de l’ouverture des marchés urbains pour les moutons jusqu’au matin même de l’Aid, où les prix peuvent connaître une nette flambée si la demande est grande, ou chuter si la demande est faible. L’année passée, le mouton a joué de mauvais tours à certains. A la dernière minute, ses prix ont flambé. Comme toujours, ce sont les “chennaka” (racoleurs) plutôt que les vendeurs qui en ont tiré profit. En sera-t-il pareillement cette année ? Tout indique que non. Mais, gare aux mauvaises surprises ! Ceux qui s’attardent jusqu’au matin même de la fête, c’est comme s’ils jouaient au jeu « quitte ou double ».

- Encore plus de moutons
Chaque année, la demande progresse, ce sont plus de 4,9 millions de têtes de mouton qui sont abattues en une seule journée. Cette année, la demande globale prévisionnelle est évaluée à 4,9 millions de têtes dont 4,9 millions d’ovins et 400.000 caprins. Le ministère de l’agriculture qui donne ces indications prévoit une hausse de 0,5% de la demande par rapport à l’année dernière. Selon les statistiques officielles, les Marocains sacrifient surtout des ovins mâles. Les moutons représenteraient donc entre 85 et 90% du total des ovins, soit 4 à 4,2 millions de têtes.

La demande pour les brebis serait de l’ordre de 500.000 à 700.000 têtes. Selon le département de l’Agriculture. 6,19millions de têtes dont 4,5 millions de mâles sont disponibles pour la fête de cette année. Ces estimations tiennent compte de l’abattage annuel pour les besoins d’approvisionnement normal du marché évalué à 3,58 millions de têtes.

- Les prix
Les prix du mouton sont généralement déterminés par la loi de l’offre et de la demande. Ils varient selon la qualité, la race, l’âge des animaux. Ils sont aussi déterminés en fonction du lieu de vente, de la durée qui nous sépare du jour de l’Aïd.

Depuis 1998 jusqu’à 2006 les prix varient entre (28-35 DH le kg vif) et (35-40 DH le kg vif). En tout cas cette année les prix seront plus élevés que l’année précédente. L’impact économique de l’Aïd est aussi grand, le chiffre d’affaire attendu par les transactions commerciales des animaux de l’Aid dépasserait les 7 milliards de Dirhams, dont la grande partie sera transférée au milieu rural.

- Répartition des races
Le cheptel ovin est réparti sur toutes les provinces du pays, mais avec des proportions variables selon les grandes régions. Selon l’Association nationale ovine et caprine (ANOC) 19 % sont concentrés dans le plateau central (Chaouia, R’hamna, Abda), 17,5 % dans le Moyen-Atlas, 17 % dans l’Oriental (Oujda, Figuig, Taza, Jerrada) et 12 % dans le Haut Atlas. La même source estime que les principales races ovines prisées par les immolateurs marocains sont "Sardi" (Settat, Kalaat Sraghna), "Timahdit" (Meknès, Ifrane, Boulemane, Khénifra, Béni Mellal, Khémisset), "Béni Guil" (Oujda, Figuig, Boulemane, Jerrada, Taza), "D’mane" (Errachidia, Ouarzazate) et "Boujaâd" (Khouribga, Béni Mellal, Boujaâd, Oued Zem).

La région du Moyen Atlas a été la plus prolifique cette année avec près de 1,5 million de brebis de race Timahdit. La race Sardi, pour sa part, offre cette année près de 750.000 têtes. La race du Sardi est la plus prisée au Maroc même si elle est originaire d’une seule région : Settat et Sraghna, c’est le mouton royal par excellence. C’est une race très grande de taille blanche sur tout le corps avec un museau noir, du noir également autour des yeux et aux extrémités des pattes. C’est la race du mouton sacrifié par le Roi le jour de l’Aïd en direct à la télévision, ce qui ajoute un capital symbolique à cette race.

Dans la région de Tadla on ne jure que par la race de Boujaad, qui est une race de taille moyenne, de couleur blanche avec une tête de couleur jaune très pâle. C’est un mouton qui a également de la cote sur le marché.

- Le danger des crédits à la consommation
Chaque année, à quelques semaines de l’Aïd el Kébir, les sociétés de crédit à la consommation s’activent en matière de communication. Leur cible privilégiée reste les petits fonctionnaires et employés de bureau qui se retrouvent sous la pression des exigences matérielles de la fête de l’Aïd el Kébir : l’achat du mouton et tous les accessoires qui vont avec. Sans oublier les fameux habits de l’Aïd pour les enfants, pour la mère, la belle-mère... Et encore plus, si « moulat dar » demande un nouveau réfrigérateur, changer les draps du salon, ou refaire la cuisine...

Si le crédit reste le seul recours pour des dépenses imprévues, il est devenu pour les revenus faibles et moyens un vrai calvaire, vu que les crédits se suivent et se ressemblent : rentrée scolaire, Aïd l’fitr, Aïd el Kébir, vacances d’été... Le plus dur, c’est l’accumulation de petits crédits qui, en fin de compte, deviennent un vrai martyre pour le bénéficiaire qui se retrouve à chaque fin de mois avec des retenues dévorant la quasi-totalité de son salaire.

D’où, une nécessaire sensibilisation des utilisateurs de ce mode de financement de la consommation, aux dangerx que fait peser le surendettement sur la vie des ménages.

- Conseils pratiques
Il faut prendre soin du mouton après l’avoir acheté en lui donnant de l’eau et de la paille. Avant de l’égorger il faut arrêter de le nourrir 12 heures avant l’heure du sacrifice, c’est-à-dire la vielle de l’Aïd. Pendant l’opération du sacrifice il faut que l’endroit où cette opération se pratique soit propre avec de l’eau douce à proximité, il faut séparer la tête, la peau et les pattes immédiatement et veiller à ne pas polluer la viande du mouton avec les impuretés. Généralement les moutons ne portent aucune maladie contagieuse, mais dès que la viande du mouton tend vers le jaune ou vers le rouge pourpre, il faut alerter les services vétérinaires, en permanence le jour de l’Aïd. Il faut aussi vérifier l’état des organes intérieurs : foie, poumon, s’il ne sont pas contaminés par des parasites, le cas échéant il faut les détruire et non pas les jeter avec les ordures. Pendant les cinq premiers jours la viande doit être conservée à 3 degrés. Après ce délai, la viande doit être congelée à 18 degrés.

- Les métiers de l’Aid
Les commerçants ambulants qui se débrouillent grâce au système D ne ratent aucune occasion de se faire de l’argent. Pour eux, l’occasion de l’Aïd Adha est une opportunité qu’il ne faut pas rater. Surtout que les femmes de ménage multiplient les achats pour se préparer aux rituels du sacrifice.

Ainsi, avant, durant et après l’Aïd el Kébir, de nombreux petits métiers apparaissent. Cela va des petits transporteurs et des aiguiseurs de couteaux, aux vendeurs de paille... Ces différentes activités « occasionnelles » ne nécessitent pas d’autorisations préalables, ce qui explique la multiplication de ceux qui s’y adonnent. Des garages se transforment en des marchés de moutons, des terrains vides sont occupés et des « kassaba » (éleveurs) y confectionnent des écuries où ils écoulent de la paille, du charbon... On voit parfois certains de ces produits étalés à même la voie publique. Tout cela, on le met sur le compte de l’activité créée à l’occasion de l’Aïd.

- Commerce de foin
Cette semaine, chacun peut remarquer les nouveaux fonds de commerces ouverts par des jeunes qui vendent du « Jalbana » et « Tban » (nourriture préférée des moutons). Il suffit de se procurer de la matière première, repérer un endroit stratégique, avoir une balance et voilà...

Ils achètent la matière première en grandes quantités deux semaines avant l’Aïd et la revendent aux gens qui ont acheté des moutons qu’ils doivent entretenir jusqu’au jour de l’Aïd. Ces commerçants occasionnels ont bien choisi leurs lieux de commerce pour qu’ils soient visibles. On les voit déposer leur marchandise près des souks, sur le trottoir des voies publiques et quelques artères de la ville...

- Les aiguiseurs
Déjà, bien avant l’Aïd, des jeunes se transforment en des « meddaya » (aiguiseurs) munis d’une meule d’aiguiseur qu’ils confectionnent avec les moyens de bord. Ils proposent leurs services : aiguisage de couteaux et autres outils qui servent à l’abattage des moutons.

Certains choisissent un endroit fixe pour recevoir les clients, d’autres se déplacent dans les différents quartiers en criant « lamda, lamda, lamda... ».

- Transporteur
Ceux qui n’ont pas de capital pour monter une petite affaire se rendent aux souks des moutons et travaillent en tant que « Hamala » (transporteurs). Ils guettent les acheteurs. Dès qu’ils observent qu’une personne a acheté une brebis, ils se précipitent vers elle et lui proposent de transporter son animal jusqu’à la voiture. Ils sont en contact tant avec les vendeurs qu’avec les transporteurs à qui ils amènent la clientèle.

- Boucher
Le jour de l’Aïd, tous ceux qui savent égorger se transforment en bouchers accompagnés d’apprentis bouchers. Ils se débrouillent pour être munis de tous les outils nécessaires : couperet, couteau, hachoir, scie, tempe (morceau de bois au moyen duquel le boucher tient ouvert le ventre d’un animal)... Se déplaçant d’une maison à une autre, travaillant après la prière de l’Aïd jusqu’à 16h ils gagnent au moins 1000 DH en plus des (tripes...) que les clients leur donnent.

- La criminalité anticipe l’Aid
A l’approche de l’Aid il faut être plus vigilant. Pour cause, les criminels, les agresseurs, les pickpockets et les voleurs de tout genre se multiplient et « kay saârou » (ils deviennent enragés) comme l’expriment les Marocains. En effet, le taux des agressions augmente pendant cette période.

L’explication donnée est que les gens pauvres recourent à tous les moyens pour acheter le mouton de l’Aïd... A cette occasion, les pickpockets, les voleurs de tout genre, les agresseurs... multiplient les actions. Rien qu’en l’espace d’une demi-journée, en se rendant à Casablanca dans un commissariat dépendant des Roches Noires, l’on a pu se rendre compte de plusieurs méfaits perpétrés par des voleurs : quatre motos volées, plusieurs femmes agressées et délestées, des portables volés...

En plus, ces voleurs rodent surtout autour des souks de moutons. Ils se fixent comme objectif de voler les bourses que sont sensés avoir les personnes voulant acheter des moutons.

Ainsi, ils diversifient les astuces et les stratagèmes pour arriver à leurs fins. Ceux de l’école ancienne utilisent encore les lames de rasoir pour dépouiller les poches de leurs victimes. D’autres provoquent des querelles pour déposséder les « fdolis » qui veulent séparer les querelleurs...

Les campagnes ne sont pas en reste. Plusieurs fermiers ont été victimes de gangs qui viennent la nuit et détournent tout le bétail. « C’est pourquoi les fermiers sont sur le qui vive et montent la garde en permanence », nous a déclaré Lhadj Ghanam, un fermier dans les environs de Médiouna.

Source : Mohamed El Hamraoui et Brahim Mokhliss | Le Reporter
25/12/2006

 

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