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Interview de Hassan Aourid: "Le devenir de Tafilalet est intimement lié à celui de Meknès"



Le Wali de la région Meknès-Tafilalet brosse le tableau d'une région en pleine mutation.

"Libé": Qu'attendez-vous de la tenue du Salon international de l'Agriculture à Meknès et pourquoi le choix de la thématique ?


Hassan Aourid: Il faut préciser que c'est une initiative Royale, que ce soit de la tenue du salon, de sa thématique ou de sa philosophie. J'ai été tenu avec le département de l'Agriculture à mettre en oeuvre cette initiative. Il fallait être à la mesure des buts qui étaient assignés par sa Majesté le Roi Mohammed VI et je pense donc tirer une certaine fierté de la consécration Royale de cet événement. La consécration donnée, jeudi 20 avril, est certainement un moment très fort de cette manifestation. Ce qui reste à faire, c'est d'être à la hauteur des attentes du Roi et des professionnels. Et cela, nous ne pouvons le réussir qu'en pérennisant ce salon.

Etes-vous satisfait de la qualité des exposants ?

Je suis très satisfait du caractère professionnel de ce salon. Nous avons vu des Marocains qui ont participé à des salons un peu partout et qui ont pu obtenir des prix dans les domaines où ils exposent. Nous sommes aussi satisfaits par rapport aux buts escomptés. Nous nous sommes fixé 360 exposants. Or, nous avons largement dépassé cet objectif puisque le nombre a atteint 491 exposants. Malgré l'handicap-temps de la préparation du Salon, nous avons enregistré une très forte participation étrangère qualitativement et quantitativement. 14 pays y ont participé, ce qui n'est pas rien pour une première édition surtout que les opérateurs étrangers préfèrent attendre et voir. Nous pourrons d'ores et déjà inscrire cet événement dans le réseau des salons internationaux.

De grands projets structurants sont en cours de réalisation ou programmés dans d'autres régions, ce qui n'est pas le cas pour le Tafilalet. On a l'impression qu'il s'agit du prolongement du concept "Maroc inutile". Qu'en pensez-vous ?

Je relativise un peu vos propos. Vous parlez de Tafilalet, j'aurais aimé que nous parlions de Meknès-Tafilalet. Tout simplement, le devenir de Tafilalet est intimement lié à celui de Meknès. Cette ville est la tête d'un corps qui est la région. Il ne peut pas y avoir d'essor économique sans qu'il ait un essor qui touche à la fois la tête et le corps. Je peux vous dire que des membres de ce corps se comportent très bien. J'allais dire qu'ils se débrouillent. Ils s'en sortent très bien. Au niveau d'Errachidia, à titre d'exemple, le tourisme connaît un essor extraordinaire, une très forte demande et le produit saharien est très prisé ainsi que le produit oasien. Les gens qui voyageaient souvent à Errachidia étaient beaucoup plus attirés par les dunes de Merzouga. Aujourd'hui, il y a un autre produit corollaire qui est les oasis. Sur le plan agricole, je pense que c'est une région qui surprendra, certainement, par la qualité de ses hommes très entreprenants.

Pour revenir à votre question, le "Maroc inutile" n'existe pas comme concept. C'est par ricochet que cette expression a été forgée du temps du protectorat. Je considère, toutefois, qu'il ne faut pas comprendre cette notion de "Maroc inutile" négativement. Ce fut une donnée objective mais sans pour autant lui donner une connotation d'un choix délibéré.

Vous venez d'évoquer le produit oasis, mais ces dernières sont sérieusement menacées ?

C'est effectivement le cas, mais il y a une réflexion et un diagnostic. J'ai participé récemment à une rencontre organisée par le ministère de l'Aménagement du Territoire sur le thème des oasis. Ce département a fait un travail extraordinaire de concert avec le PNUD et d'autres organismes internationaux. Et il y a une convergence quant au diagnostic. Le problème n'est pas de savoir où le bât blesse. Les oasis sont menacées du fait de l'existence de données objectives, telles que l'exode rural, la sécheresse, le changement du mode de vie. Il y a aussi la main de l'Homme ou ce que j'appelle le syndrome de l'inachevé que nous avons. La politique des barrages est extraordinaire, mais dans le cas des oasis, il reste à accompagner les après-barrages. Une autre réflexion sur l'utilisation des eaux, non seulement, des rivières ou des puits mais aussi souterraines s'impose. Et là, il y a un gâchis des ressources hydriques, et il est temps de tirer la sonnette d'alarme parce qu'il y a un usage abusif de cette ressource souterraine hydrique. Ce qui devrait être fait de manière urgente et impérative, c'est de s'accorder sur la méthodologie de travail.

Cette région bat plusieurs records de sous-développement : emploi, infrastructures de base, pauvreté. Cette tendance est-elle gérable et comment ?

Nous n'avons pas d'autres choix. Ce serait criminel que d'être pessimiste pour un responsable. Je me suis permis de m'adonner à cet exercice en tant qu'intellectuel mais il est interdit d'être pessimiste en tant que responsable, d'autant plus que la région est potentiellement riche. Il y a des dysfonctionnements à corriger et des correctifs à apporter. Cependant, je pense qu'avec la sollicitude Royale, nous pouvons surmonter tous les handicaps de cette région pour qu'elle puisse avoir la place et le rôle qui lui conviennent.

Y a-t-il des projets concrets pour surmonter ces dysfonctionnements ?

En tant que wali, je suis amené à mettre en oeuvre les orientations de Sa Majesté le Roi et le programme du gouvernement. Sur le plan agricole, la région dispose d'un potentiel extraordinaire. A lui seul, le secteur oléicole est très porteur et prometteur mais la ville de Meknès n'a pas que cela. Sur le plan touristique, elle est à la traîne mais c'est elle qui abrite le plus de monuments historiques qui étaient malheureusement abandonnés et négligés. La ville est, par conséquent, riche par son agriculture, son agro-industrie et son tourisme. Je termine par dire qu'il y a un autre projet sur lequel nous devons nous atteler. Il s'agit du binôme Fès-Meknès. Je crois que le domaine agricole est l'élément fédérateur de cette action binôme entre les deux régions.

La région Meknès-Tafilalet a une vocation touristique par excellence. Cependant, elle n'attire pas beaucoup d'investissements. A quoi cela est-il dû à votre avis ?

Vous savez, l'investissement n'est pas une affaire de charité. Les gens viennent investir lorsque cela est rentable. Mais je peux vous assurer qu'il y a un engouement pour cette région. Des Italiens, des Allemands et des Espagnols veulent investir à Meknès-Tafilalet. Ce Salon a inscrit, d'ailleurs, la région dans le panorama des lieux à haute rentabilité.

Quels sont les arguments dont dispose la région pour stimuler et attirer les investisseurs ?

Il y a essentiellement l'Agriculture, l'Agro-alimentaire et le Tourisme.

N'est-il pas opportun de créer une Agence pour le développement des provinces de cette région ?

Vous ne constatez pas une dynamique? Le Salon en est justement le catalyseur. Cela dit, j'estime, en ce qui concerne les agences, que c'est un traitement spécial pour une situation spéciale. Et il ne faut pas, à mon avis, transposer ni mélanger le but et les moyens. La création d'une agence n'est qu'un moyen, le but, c'est le développement. Je pense aussi que nous n'avons pas épuisé tous les moyens possibles pour développer la région. Et puis, il y a le projet Millenium Challenge Account "MCA" qui va , certainement, aider à résorber les poches de pauvreté dans les oasis et les montagnes.

Quels sont les projets programmés ou en phase d'étude ?

Le binôme et son corollaire l'agropole. C'est un projet agricole qui se trouve à mi-chemin entre Fès et Meknès. C'est le grand projet sur lequel nous sommes, wilaya et province d'El Hajeb en train de travailler avec la Caisse de Dépôt et de Gestion "CDG".

Peut-on envisager une autoroute reliant Meknès à Errachidia ?

Commençons par le commencement. Il y a déjà ce projet qui était signé devant Sa Majesté le Roi par le ministre de l'Equipement, le président de la Région et moi-même. Il porte sur le dédoublement de la voie entre Meknès et El Hajeb. Les gens de Rich, Amellagou, Boudnib ont pour le moment d'autres priorités.

Source : liberation.press.ma
26/04/2006

 

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